Section 3: Les relations du gouvernement de Meiji avec la France
Les japonais de l'ere Meiji etudierent la France sur place, qu'ils furent etudiants, diplomates ou membres de la mission Iwakura a laquelle participerent des figures centrales du gouvernement. Les etudiants envoyes sans attendre au lendemain de la restauration comptaient dans leurs rangs des hommes de talent qui se firent remarquer dans des domaines varies, tels que NAKAE Chomin (1847-1901), qui influencera le mouvement pour la liberte et les droits du peuple, SAIONJI Kimmochi (1849-1940), homme politique qui occupera la fonction de ≪ pere fondateur ≫ (genr?) pendant de longues annees, et MAEDA Masana (1850-1921), qui participera a la politique d'augmentation de la production et de promotion de l'industrie en tant que ministre de l'Agriculture et du Commerce. La mission Iwakura, quant a elle, malgre l'echec de sa tentative de renegociation des Traites inegaux, vit de ses propres yeux la ≪ splendide capitale ≫ Paris et laissa des rapports tres detailles sur l'agriculture et d'autres aspects du pays.
Les efforts de SAMESHIMA Naonobu (1845-1880), premier diplomate a occuper le poste de ministre en France, permirent au Japon de comprendre les regles de la diplomatie moderne et poserent les bases des activites diplomatiques a venir. Le travail du ministre eut egalement une grande importance dans le processus de recrutement des conseillers etrangers.
La mission Iwakura
KUME Kunitake (Ed.), Tokumei zenken taishi bei? kairan jikki, Hakubunsha, 1878 [34-88]
Ce document est un rapport des activites de la mission Iwakura a l'occasion de sa tournee des divers pays europeens qui debuta en novembre 1871. Sa redaction fut effectuee en septembre 1873, apres le retour de la mission au Japon, par KUME Kunitake (1839-1931), erudit en etudes chinoises originaire du domaine de Saga qui y participa en tant qu'attache. Envoyer une mission diplomatique a l'etranger et faire partager au peuple ses experiences fut le resultat des conseils du conseiller etranger Guido Herman Fridolin Verbeck (1830-1898). La mission visita de nombreux pays, les Etats-Unis dans un premier temps puis, entres autres, l'Angleterre, la France, l'Allemagne et la Russie. Ce document qui contient des donnees precises sur ces differents pays sous forme de texte et de gravure sur cuivre peut etre considere comme un ouvrage encyclopedique sur le sujet. Concernant la France, on y trouve des informations plutot breves mais couvrant de nombreux domaines : des sites de production (manufacture nationale de Sevres, boulangeries, etc.) aux institutions sociales (ecole pour les aveugles, etc.) en passant par les lieux culturels (bibliotheque nationale, etc.). On peut lire ce qui suit dans la section sur le descriptif general de chaque pays : ≪ La France occupe le c?ur de la region culturellement la plus avancee d'Europe, on y trouve de nombreux produits et c'est le pays ou les tendances voient le jour.≫
IT? Hirobumi shokan [Papiers de INOUE Kaoru, #279‐3]
Ce document est une correspondance envoyee par le vice-ministre des Travaux publics ITO Hirobumi (1841-1909), qui participa a la mission Iwakura en tant qu'assistant, au vice-ministre des Finances du gouvernement provisoire INOUE Kaoru (1835-1915). Bien qu'ecrite alors que la mission avait deja passe plus de 40 jours en France, aucune mention des decouvertes faites n'y figure, ce qui prouve la nature differente du document compare au Bei? Kairan Jikki de KUME Kunitake. En effet, l'enquete sur l'organisation des pays occidentaux n'etait pas le seul objectif de la mission ; son autre but etait la renegociation des Traites inegaux. Dans ce document, redige apres les negociations avec les gouvernements americains, anglais et francais, ITO aborde sur les themes de la liberte de religion et de la liberte de circulation des etrangers au Japon souhaites par les pays visites. Il s'attarde particulierement sur ce dernier point qui apparait etre un probleme allant a l'encontre des interets du pays.
IWAKURA Tomomi shokan [Papiers de SANJO Famille (Lettres), #191-41, #191-44]
Ces documents sont des correspondances de l'ambassadeur extraordinaire et plenipotentiaire a la tete de la mission Iwakura, IWAKURA Tomomi (1825-1883), adressees au chef du gouvernement provisoire, le grand-ministre d'Etat SANJO Sanetomi (1837-1891). La premiere lettre datee du 20 decembre 1872 informe de l'arrivee sans encombre de la mission en France depuis l'Angleterre. La deuxieme, datee du 20 janvier 1873, annonce que, bien que la mission ait pris du retard sur ses previsions, il lui sera impossible d'avancer son retour ou de renvoyer en avance KIDO Takayoshi (1833-1877) et OKUBO Toshimichi (1830-1878) sans raison particuliere. Outre les pieces presentes, IWAKURA envoyait regulierement des missives a destination de SANJO des le depart de la mission en novembre 1871, nous permettant d'avoir un apercu du processus de prise de decisions entre la mission et le gouvernement provisoire.
SAMESHIMA Naonobu, premier diplomate au poste de ministre du Japon en France
Japanese Legation in Paris, Diplomatic guide, Edinburgh, London, 1874 [I-12]
Detache en octobre intercalaire 1870 pour devenir le premier diplomate au poste de ministre du Japon en France, SAMESHIMA Naonobu y deceda en decembre 1880. Ce document est un ouvrage qu'il produisit en tant qu'agent diplomatique du gouvernement de Meiji tout en s'affairant, entre autres activites, au recrutement des conseillers etrangers Georges Hilaire Bousquet (1846-1937) et Gustave Emile Boissonade (1825-1910) et a la mise a disposition de commodites pour la mission Iwakura. Avec l'aide de l'avocat anglais Frederic Marshall (1839-1905) employe comme secretaire pour l'assister dans ses taches diplomatiques, SAMESHIMA rassembla les connaissances indispensables a la pratique diplomatique en Europe et les regroupa en un ouvrage qu'il publia en tant que legation japonaise a Paris a destination de ses successeurs. Cet ouvrage publie a seulement 200 exemplaires ne fut pas distribue au public. Ce document detenu par la Bibliotheque nationale de la Diete lui fut donne par SHIODA Saburo (1843-1889), diplomate ayant participe aux negociations en vue de la revision des Traites inegaux.
T?ky? shojakukan e eifutsusho kiz? no ken [Papiers de SAMESHIMA Naonobu & Takenosuke (Depot), #82]
Certains des ouvrages ayant fait partie de la collection de SAMESHIMA Naonobu furent vendus ou offerts a l'un des anciennes institutions de la Bibliotheque nationale de la Diete, Tokyo Shojaku-kan ou Tokyo Toshokan (Bibliotheque de Tokyo), et conserves jusqu'a nos jours. Le present document est la lettre de remerciement redigee en reponse a l'un de ces dons. Entre les dons effectues par SAMESHIMA lui-meme lors d'un retour provisoire au Japon pour convalescence, les dons de son frere cadet SAMESHIMA Sakari (1851-1903) apres la mort de son frere aine, on compte un total de plus de 520 ouvrages incluant les achats effectues par Tokyo Shojaku-kan. La plupart sont des livres en langue anglaise ou francaise, dont certains copies dedies furent offerts a SAMESHIMA par Frederic Marshall, et le juriste francais Gustave Emile Boissonade qui l'aida a compiler son ≪ Diplomatic Guide ≫.
L'Exposition universelle de Paris de 1878
Futsukoku hakurankai jimukyoku, Furansu Parifu bankoku daihakurankai h?kokusho, Futsukoku hakurankai jimukyoku, 1880 [35-36]
Ce document est un rapport redige par le bureau du gouvernement apres sa participation a l'Exposition universelle de 1878 a Paris. Il s'agissait de la troisieme participation du Japon a l'Exposition universelle suite a la restauration de Meiji apres Vienne en 1873 et Philadelphie en 1876. Ce fut egalement celle qui fut la benefique pour l'image du Japon si l'on en croit l'impression qu'en eut le bureau. A commencer par des generalites sur l'Exposition, on peut y lire, entre autres, les activites du bureau, la popularite rencontree par les produits japonais, la liste des laureats japonais et le contenu des expositions des autres pays. Un grand nombre de pages fut consacre aux performances des produits japonais lors des remises de prix et aux points juges d'importance, mais ce sont surtout les secteurs de la ceramique, de la soie, du cuir, des cereales, de la viande, du poisson et des boissons qui y occupent le plus de place. Notons que les produits exposes ayant remportes un prix sont presentes plus en details dans le rapport du meme bureau intitule Meiji J?ichinen Futsukoku Hakurankai Shuppin Mokuroku (lit. ≪ Catalogue des produits exposes lors de l'Exposition de l'an 11 de l'ere Meiji en France ≫) [特45-789].
[Daihakurankai ik? Pari fuka Nihon buppin juy? henka nitsuki h?koku] [Papiers de MAEDA Masana, #284]
MAEDA Masana quitta le Japon en 1869 pour suivre des etudes en France et sejourna a Paris jusqu'en 1876. A son retour au Japon, il se consacra principalement a la politique d'augmentation de la production et de promotion de l'industrie au sein du ministere de l'Agriculture et du Commerce. Il se distingua egalement en tant que commissaire general du Japon a l'Exposition universel de Paris en 1878, se rendant dans la capitale francaise avant le vice-president MATSUTAKA Masayoshi (1835-1924) et y restant apres la cloture pour regler les affaires en suspens. Le present document est un compte rendu de ses observations concernant l'attitude et l'opinions des autochtones envers le Japon a cette occasion. Il y deplore que malgre l'interet et la curiosite suscites par le Japon au cours de l'Exposition, l'absence d'ouvrages repondant a cet interet et la mauvaise reputation des marchands japonais a Paris empeche cet interet de se transformer en opportunite commerciale. Le contenu de ce document est resume dans un livret annexe intitule Zassan (lit. ≪ varia ≫) qui contient en outre la traduction japonaise de la piece Nippon Bidan (lit. ≪ Conte edifiant du Japon ≫, une adaptation de l'histoire des 47 r?nin, Ch?shingura), ecrite en francais par MAEDA et jouee avec succes au cours de l'Exposition universelle.
ONO Kiyoteru (Tr.), Pari bankoku daihakurankai Nihon shuppin hinpy? sh?yaku, N?sh?mush? shomukyoku, 1885 [22-267]
Ce document est une traduction abregee des commentaires francais sur les produits japonais exposes lors de l'Exposition universelle de 1878 a Paris, incluant egalement les industries sans relation directe telles que les ≪ elements en laine et lainages ≫ qui n'ont pas fait l'objet d'une evaluation. Parmi les produits juges, on remarque qu'ont ete tout particulierement apprecies les ceramiques et les papiers japonais kinkara kawashi a propos desquels on peut lire : ≪ ces papiers japonais font partie des produits exposes d'origine etrangere les plus utiles ≫. Le traducteur, ONO Kiyoteru (1851-1924), etait entre au ministere de l'Agriculture et du Commerce apres un passage au bureau de l'artillerie du ministere de l'Armee. Parmi ses autres traductions, on trouve la version japonaise du Traite theorique et pratique de statistique de Maurice Block [36-117] et l'ouvrage Futsukoku Nomu Enkakushi (lit. ≪ Histoire de l'agriculture francaise ≫) [Documents associes a Masana Maeda 260], qui semble avoir ete utilise a titre documentaire.